Tribune 

Série noire au Qatar pour la cause LGBT

Cette Coupe du monde met en lumière une législation parmi les plus répressives contre les LGBT, et des mobilisations très variables la France faisant très pâle figure. 

photo DFB
photo DFB

Julien Pontes est porte-parole du collectif Rouge Direct contre l'homophobie dans le football.

 

La semaine passée a été marquée par un bras de fer entre d'un côté le Qatar et la FIFA, de l'autre un groupe de fédérations européennes (Allemagne, Angleterre, Belgique, Pays-Bas, Pays de Galles, Danemark et Suisse) qui se sont positionnées pour défendre les droits humains et dénoncer la répression contre les LGBT, à travers le port d'un brassard "One Love".

 

Pas la Fédération française de football (FFF), pourtant membre d'un groupe de travail de l'UEFA sur les droits humains et du travail avec ces mêmes nations (auxquelles il faut ajouter la Norvège et la Suède, non qualifiées), et qui s'était engagée dans la campagne "One Love" en septembre.

 

Les capitaines de ces équipes, dont Harry Kane et Manuel Neuer, avaient clairement affiché leur volonté de porter ce brassard, paré de couleurs qui ne respectent pas vraiment les couleurs de la communauté LGBT, mais ce geste, on l'aurait pris. Pris comme une marque de soutien et de solidarité.

 

Mais voilà, au Qatar on ne plaisante pas avec l'homosexualité. "Pas de ça chez nous." Les LGBT y risquent des guets-apens, des arrestations, des mauvais traitements de la part des forces de sécurité, jusqu'à sept ans de prison et même la peine de mort s'ils sont de confession musulmane.

 

La servile FIFA a trouvé le moyen de calmer les ardeurs en menaçant, dans un premier temps, ces fédérations d'amendes en cas de port du brassard.

 

Celles-ci s'étant déclarées prêtes à les payer, il a fallu trouver une autre forme d'intimidation : un carton jaune direct pour tout capitaine qui porterait le brassard, l'exposant au risque d'une expulsion en cours de match ou d'une suspension en cours de compétition.

 

Vicieux, mais efficace, même si les joueurs allemands ont, juste avant leur premier match, placé la main devant leur bouche afin de dénoncer cette censure. Les Anglais n'ont quant à eux pas renoncé à poser un genou à terre. Le président de la fédération danoise, Jesper Moller, a exprimé sa colère face aux pressions de la FIFA, et envisagé des recours avec la fédération allemande.

 

La France, comme l'Espagne, ne s'est pas associée à cette tentative de désobéissance, pointant les différences très importantes entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud dans la prise en compte et la lutte contre les LGBTphobies dans le football.

 

Depuis de longues années, nous dénonçons l'inaction des instances du football français, FFF et Ligue de football professionnel (LFP). Celle-ci, par exemple, ne sanctionne jamais des chants homophobes pourtant systématiques dans les stades, qui relèvent régulièrement de l'incitation à la haine et de l'appel au meurtre en raison de l'orientation sexuelle - "Il faut tuer ces pédés de (adversaire)".

 

En Angleterre, une politique de "tolérance zéro" a été appliquée contre les injures et chants discriminatoires, notamment homophobes. 

 

Arsenal ou Chelsea ont pris des sanctions contre quelques-uns de leurs supporters, des interdictions de stades parfois de plusieurs années, sanctions ciblées sur les auteurs des injures, identifiés par la police et les moyens vidéos.

 

La France, comme l'Espagne, ne s'est pas associée à cette tentative de désobéissance, pointant les différences très importantes entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud dans la prise en compte et la lutte contre les LGBTphobies dans le football.

 

Depuis de longues années, nous dénonçons l'inaction des instances du football français, FFF et Ligue de football professionnel (LFP). Celle-ci, par exemple, ne sanctionne jamais des chants homophobes pourtant systématiques dans les stades, qui relèvent régulièrement de l'incitation à la haine et de l'appel au meurtre en raison de l'orientation sexuelle - "Il faut tuer ces pédés de (adversaire)".

 

En Angleterre, une politique de "tolérance zéro" a été appliquée contre les injures et chants discriminatoires, notamment homophobes. 

 

Arsenal ou Chelsea ont pris des sanctions contre quelques-uns de leurs supporters, des interdictions de stades parfois de plusieurs années, sanctions ciblées sur les auteurs des injures, identifiés par la police et les moyens vidéos.

 

Les Pays-Bas ont adopté le même genre de dispositifs, avec en plus la possibilité de sanctions alternatives, comme la suspension de l'abonnement, assorti d'un stage de sensibilisation auprès d'une association LGBT.

 

En Angleterre encore, des associations de supporters LGBT portent les couleurs arc-en-ciel dans les stades. Ils ont vu le jour grâce à l'implication de la Ligue et de la Fédération anglaises, mais aussi des clubs, des joueurs et des entraîneurs. Celui de Liverpool, Jürgen Klopp, échange avec eux et adresse régulièrement des messages inclusifs en direction de la communauté LGBT.

 

En Allemagne, l'an dernier, ce sont 800 footballeurs professionnels qui ont adressé un message de soutien aux LGBT en couverture du magazine 11 Freunde. Un message simple, digne, plein de compassion : "Vous pouvez compter sur nous !" Une telle initiative semble inimaginable en France.

 

Selon Noël le Graët, le président de la FFF, il n'y a ni racisme, ni homophobie dans le football. Et l'ancien international Bixente Lizarazu, consultant de TF1, a affirmé dans l'émission Quotidien qu'il n'avait jamais été témoin d'homophobie dans les vestiaires connus tout au long de sa carrière.

 

Noël le Graët incarne particulièrement ce refus de reconnaître l'homophobie dans le football en France et de mettre en place un plan d'action pour la combattre. Quand L'Équipe l'interroge sur le sujet, il y a quelques jours, il répond : "On applique les directives de la FIFA, point final." On l'a pourtant connu plus désobéissant.

 

En 2019, la circulaire n°1682 adressée par la FIFA à toutes ses fédérations membres demande d'appliquer une "tolérance zéro" face aux discriminations, dont l'homophobie, en interrompant les matches si nécessaire. Noël le Rebelle déclare alors qu'il ne respecterait pas ces directives, et donnerait la consigne de ne pas arrêter les matches pour des faits d'homophobie...

 

Il avalisait cependant l'interruption en cas de faits de racisme, introduisant une discrimination parmi les discriminations totalement infondée en regard des règlements sportifs et de la loi, qui les considère au même niveau de gravité.

 

Lors de cet épisode, Noël le Graët donnait déjà la garantie qu'il verrouillerait toute initiative pour faire reculer l'homophobie dans le football. Il persiste et signe au Qatar. En 2019, nous avions mis en demeure Noël le Graët de retirer ses propos, ce dont il nous avait assuré dans un courrier.

 

Une petite victoire dans notre lutte contre l'homophobie dans le foot. Une nouvelle bataille est en cours lors de ce Mondial, qui se présente très mal. Nous constatons la navrante participation de nombreux artistes aux festivités, ou le fervent soutien d'Emmanuel Macron au pays hôte. Le président de la République constate des "changements concrets"... 

 

On doute que les homosexuels et les travailleurs migrants au Qatar aient la même perception, mais d'autres sont aussi peu sensibles aux persécutions des LGBT, comme Maître Gims qui va se produire avant la finale de la compétition. Avec le cœur plus léger, on y verrait une forme de punition pour les Qataris.

 

En réalité, nous sommes tristes et pas du tout rassurés pour la suite. Les appels aux mobilisations ont été peu nombreux, peu relayés et peu suivis en France, contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne, encore une fois.

 

Mais, qui sait, la Coupe du monde n'est pas finie et, comme disait ma grand-mère : "On n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise."

 

Repéré sur le site https://www.cahiersdufootball.net

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