Disparition

James Bidgood, tout de queer dévêtu

L’esthète James Bidgood, influence directe de Pierre & Gilles et David La Chapelle, est décédé ce 31 janvier à l’âge de 88 ans.


L’artiste culte de la communauté queer et underground des années 1970 est mort : James Bidgood a influencé une masse d’artistes du XXe et du XIXe siècle, avec son regard coloré et transgressif sur les corps masculins et le désir homosexuel.

 

Fasciné par les comédies musicales de Broadway, il débarque à 18 ans à New York et pénètre les milieux artistiques homo en vogue dans les années 1950 ; il s’essaie au drag avant d’intégrer le fameux Club 82, monument de la culture gay et de la fête new-yorkaise, en tant que costumier et photographe.

De la photo au cinéma

Pour subsister, il commence à photographier des modèles pour des magazines homoérotiques, comme Muscleboy. Là se dessinent les contours de son approche artistique, à la mise en scène très travaillée, à la manière d’un show grandeur nature, où de jeunes gays arborent un sourire écarlate et des positions suggestives, dans des décors surchargés et sous des lumières bleues satinées.

 

Des photos au cinéma, il n’y a qu’un pas : durant sept années, il fabriquera dans l’anonymat le plus total son chef-d’œuvre, monument de la culture gay sur plusieurs générations, Pink Narcissus. La référence à Michael Powell et son Black Narcissus (une histoire de nonnes perdues dans la jungle teintée de lesbianisme) est évidente, puisqu’il assume lui-même l’influence du cinéaste sur son travail, citant Les Chaussons rouges ou encore Le Voleur de Bagdad. 

Un film érotique devenu monument de la pop culture

Pink Narcissus suit le parcours fantasmagorique et érotique d’un jeune prostitué qui, entre deux passes dans son appartement, se rêve dans la Rome antique, tantôt esclave, tantôt Narcisse. Tourné entièrement en super 8 par James Bidgood seul dans son appartement – il signe l’image et le scénario en plus de la réalisation –, le film révolutionne le regard sur les corps masculins, jouissant sans tabou avec son héros Angel, incarné par Don Brooks, tandis que Bobby Kendall, égérie de Bidgood, endosse le rôle du satyre Pan.

 

Lors de la sortie du film en 1971, Bidgood retire son nom et préfère le signer en tant qu’Anonymous, alimentant immédiatement les fantasmes sur l’identité réelle de son auteur. On pense alors à Warhol ou Anger, et le film est projeté dans des salles mainstream, retirant l’érotisme gay des marges pour le faire entrer dans la pop culture. Mais Bidgood préfère oublier le film qui lui a été retiré des mains par les producteurs, l’empêchant ainsi de le terminer, et entame une grosse décennie d’inactivité. Ce n’est que dans les années 1990 que Pink Narcissus acquerra le statut de film culte ; il sortira même en DVD en 2003, grâce à la société Strand Release.

Une influence générationnelle

Nous avions rencontré l’artiste en 2017 lors d’un entretien avec Romain Burrel, au cours duquel le cinéaste nous avait confié son étonnement face au crédit que lui accordent de nombreux artistes queer comme Pierre & Gilles ou David La Chapelle : “On me répète sans cesse que j’ai créé une esthétique gay mais je ne m’en rends pas compte ! […] J’ai juste suivi mon imagination”, avait-il modestement affirmé.

 

On retrouve ce goût pour la fusion de palettes fortes, de diamants, de corps nus et imberbes… Dans les années 2010, on apprend qu’il est fauché, qu’il vend des photos argentiques pour subsister : en 2017, son travail avait finalement été remis au goût du jour dans un exposition à la Galerie Coullaud à Paris, dévoilant ses clichés subversifs et sublimes.

 

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