Rémy Rodep (de Pinho) par Anita Van Belle

Anita Van Belle
Anita Van Belle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Enfant matricule 3044 : un regard bleu sur fond noir

"Depuis que j'ai appris que sa mère à avait abandonnée aussi ses deux sœurs aînées à leurs naissances, j'ai peur d'être "elle", j'ai peur de tout ce que je fais". 

Enfant de "l'Assistance Publique", comme on disait à l'époque,  Rémy (Rodep) de Pinho a mis plus de quarante-cinq ans pour rentrer en possession de son histoire. 

Depuis, elle le ronge. Pour ses proches, il en a fait une chronique qui est devenue un roman. L'écriture, initiée en guise de thérapie, s'est révélée une compagne.

"De son véritable nom Rémy Rodrigues de Pinho travaille au service communication/Intra/Internet /télévision interne d'un grand service public.

Le soir et les fins de semaines, il s'empare de son "stylo à bille cristal tracé moyen 0,6 millimètre de couleur bleue" et il écrit. En soi, rédiger n'est pas une nouveauté pour lui.

 

Rémy Rodep ou Rémy de Pinho, ses noms de plume a connu plusieurs vies. Il a été un "fils de pub" notamment, dans une agence prestigieuse de l'avenue des Champs Elysées à Paris où travaillaient également Bertrand Delanoë et Véronique Mourousi.

 

Animateur de radios locales privées, puis directeur de la station et des programmes, il a écrit des milliers de billets ou de chroniques.

 

Sa première tentative de fiction ?

Un scénario : "Tel Père Tel Fils" a été remis et lu par l’acteur pour qui il l’avait écrit : Louis de Funès.

 

Louis de Funès qui va vivement l’encourager à poursuivre lorsqu’ils se sont rencontrés aux studios des Buttes de Chaumont (qui se trouvaient au numéro 36 de la rue des Alouettes dans le 19e arrondissement de Paris).

C'est l'ouverture des archives de l'Assistance Publique en 2002, qui va le faire basculer vers une écriture plus autobiographique, qui deviendra son premier roman, "L'enfant matricule 3044" qui sera réédité en 2013 sous le titre "Le mal des maux dits".

Rémy et sa sœur Martine école primaire de Douzat
Rémy et sa sœur Martine école primaire de Douzat

"J'ai voulu écrire mon histoire seulement pour la famille, pour les enfants et petits-enfants et, c’est en découvrant la teneur des documents que l’idée du livre m’est venue."

 

Édité par les Editions Publibook, le récit de "L'enfant matricule 3044" devenu "Le mal des Maux dits", retrace l'itinéraire de Rémy, enfant de l'Assistance Publique, "retrouvé" à vingt-deux ans par "sa" mère, qui lui "révèle" sa version très personnelle de son histoire... mais pas la vérité.

 

Le choc est rude : l'histoire qu'elle lui sert lors de ces "retrouvailles" n'est qu'un tissu de mensonges. En 1977, fatigué de ces "broderies" cruelles et successives, Rémy Rodep/Rémy de Pinho entame une démarche officielle pour obtenir son dossier auprès de l'Assistance Publique.

 

Lorsqu'il rentre en sa possession, le dossier s'avère "épais comme un des deux bottins téléphoniques de la ville de Paris". La vérité, toute la vérité, rien que la vérité devait y être consignée, mais Rémy Rodep/Rémy de Pinho s'aperçoit que des zones d'ombre subsistent.

 

Lors de son enquête pour compléter une histoire qui le dévore, il comprend que sa grand-mère maternelle a également abandonné deux de ses filles aînées immédiatement après leurs naissances.

 

Dans le tumulte des "révélations" de sa mère en 1977, il s'est découvert trois sœurs et un frère.

 

"Enfant déjà, ce qui m'a démangé, c'est d'en finir, mais je n'étais pas assez courageux pour ça."

 

Alors, faute d'un "tremblement de terre dans le cerveau" qui provoquerait dans le meilleur des cas, une amnésie, il fignole le style du récit familial, attentif à ne pas peser, à y injecter un humour désespéré.

Douzat vu du ciel (photo Charente Libre)
Douzat vu du ciel (photo Charente Libre)

Écrit en 2005, "L'enfant matricule 3044" paraît le 24 juin 2006. Les lecteurs l'apprécient. Il restera de juillet à fin septembre 2006 en tête des ventes, chiffres FNAC (Créteil Soleil) "Même les personnes qui n'aiment pas lire ont aimé mon livre."

 

Le stylo à bille cristal de couleur bleue, de la couleur des yeux de Rémy Rodep/Rémy de Pinho, d'un azur que Michèle Morgan a un jour admiré, retrouve la feuille blanche.

 

S'inspirant de l'histoire d'un ami très proche, Rémy Rodep/Rémy de Pinho publie "Deuil et préjugés". Sous forme scénaristique et dialogué. À l'origine c'était un scénario écrit pour Jean-Claude Brialy. Son décès en 2007, va interrompre le projet. C'est son éditeur qui va lui proposer de publier son scénario en gommant tous les aspects techniques nécessaires au tournage, tout en conservant la version scénarisée. Le livre "met en scène la bataille morale et judiciaire d'un homme afin de faire reconnaître ses droits, suite au décès de son ami." Une fois encore, les lecteurs adhèrent.

 

Un autre livre est en préparation. Peut-être parlera-t-il de l'amour fou de Rémy pour le cinéma classique français ?

 

Peut-être racontera-t-il, sa rencontre avec Arletty, avec qui il va devenir ami, "qui même non voyante, était d'un optimisme et d'un enthousiasme à tout épreuve",

De sa rencontre avec Barbara, "qui avait mis sa carrière entre parenthèses pour visiter les malades du Sida dans les prisons", ou ses combats quant aux côtés de Pierre Bergé, "il a fallu menacer les socialistes pour qu'ils aillent voter pour le PACS",

Ou peut-être simplement, parlera-t-il d'une paix du cœur lointaine, mais intensément désirée."

Article d'Anita Van Belle 

Anita Van Belle

Anita Van Belle est romancière pour en voir et savoir plus, cliquez sur une de ses photos

Un livre majeur

"L’enfant matricule 3044" a 18 ans aujourd’hui (24 juin 2024). Une sacrée aventure qui continue à me surprendre encore aujourd’hui !


Le temps du pardon

En juin 2015, j'apprends que "notre" mère est atteinte d'un cancer foudroyant.

 

Hospitalisée à Lorient, je sais parfaitement que la mort l'a déjà convoquée, qu'elle ne reviendra pas sur sa décision et que malgré les efforts quotidiens des médecins, elle ne lui accordera aucun délai supplémentaire.

 

C'est sans hésiter l'ombre d'une seconde que je suis allé lui rendre visite.

 

Je ne suis pas prêt d'oublier son regard magnifiquement vert lorsqu'en se réveillant elle m'a vu à ses côtes. Regard immortalisé par ma belle-sœur et sœur de cœur Mélanie Cagniart.

 

Je lui ai pardonné. Tout pardonné

Pardon auquel s'associait ma sœur Martine, chez qui j'étais une semaine plus tôt et que j'avais avisé de ma décision.

 

Elle nous a quittés le 26 juillet 2015.

 

Aveu

Si je devais réécrire ce livre aujourd'hui, j'aurais un regard un peu différent sur "cette mère".

 

Ce livre épuisant à écrire, est épuisé depuis quelques années

Devant les demandes, il est ressorti en 2013 chez un nouvel éditeur sous le titre : "Le mal des maux dits".

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